Pèlerinage à Lisieux

20 & 21 Novembre 2021

“Avoir confiance en Dieu comme Thérèse veut dire suivre la « petite voie » où nous guide l’Esprit de Dieu : il guide toujours vers la grandeur à laquelle participent les fils et les filles de l’adoption divine” Jean Paul II

Père Jean-Eudes, curé

“J’ai été très heureux comme curé de pouvoir faire cette démarche paroissiale et de déposer la vision auprès de Ste Thérèse. J’ai été touché par ce que les adultes ont découvert de Ste Thérèse ou des époux Martin. Plusieurs m’ont dit combien cela les avait interpelés ou confortés dans leur foi.
Avec le P. Martin, il nous semble que l’expérience est à recommencer largement !!! “

Témoignage de Gilles

Nous passons la nuit du samedi soir à « La Source », le centre d’accueil tenu par la Communauté de la Providence à Sées, improbable évêché de 4000 âmes perdu dans la campagne Normande. Après un repas soupe-gratin-danette dans le grand réfectoire, et avant d’aller nous coucher, nous jouons au jeu des questions/réponses sur les enseignements de la journée. Que de rires, que de cris ! Moi, je m’inquiète de ne presque jamais savoir répondre. « Où ont-ils appris tout ça ? » fais-je à ma voisine « Ils ont écouté ! » me souffle-t-elle doucement !

Ce matin du samedi 20 novembre 2021, nous sommes environ 50 pèlerins sur le parvis du Christ-Roi à Cormeilles-en-Parisis, dans la nuit froide, tôt levés, mal réveillés, réunis pour prendre la route d’Alençon … Office des Laudes dans le car au petit jour … La campagne grise défile au son de l’Ave-Maria … Je médite …  Au cours de l’hiver 1894, Mère Agnès de Jésus, Pauline sa grande sœur et sa mère de substitution, demande à Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, Thérèse de Lisieux, « d’écrire sans contrainte ce qui lui viendrait à la pensée ». C’est pour elle, et elle seule que Thérèse va rédiger « l’histoire de la petite fleur cueillie par Jésus, avec abandon, sans s’inquiéter ni du style ni des nombreuses digressions !» Thérèse a un tel talent pour se raconter ! Ses trois manuscrits paraitront le 30 septembre 1898, un an jour pour jour après sa mort, pour connaitre un incroyable destin planétaire.

Arrivée à Alençon. Messe au Sanctuaire Louis et Zélie Martin, les parents de Thérèse. Pique-nique à la maison du pèlerin attenante. Après le café, visite de la maison des Martin de 1871 à 1877, également maison d’enfance de Zélie jusqu’à son mariage avec Louis en 1858. C’est là que Thérèse est née en 1873, là où Zélie est décédée en 1877. Visite à pied d’Alençon sous la conduite passionnée de Guy Fournier, adjoint au recteur du Sanctuaire … Les Martin ont vécu dans un mouchoir de poche entre 3 paroisses et 2 ponts. Zélie était dentelière et chef d’entreprise avec une vingtaine d’ouvrières, Louis artisan horloger. Ils ont réussi comme on dit, par leur travail, leur charité, l’éducation appliquée de leurs 5 filles (successivement Marie, Pauline, Léonie, Céline et Thérèse), à fonder une famille, aimante et pieuse, malgré la dureté du temps. Zélie décède à 46 ans d’un cancer du sein, consciente du devoir accompli. Louis tourne la page en déménageant à Lisieux pour élever ses 5 orphelines et mener une vie de rentier, Thérèse a 4 ans. Nous avons renouvelé nos promesses de mariage devant eux : « l’amour prend patience, l’amour rend service, {…] il trouve sa joie dans ce qui est vrai, il supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout … » (lecture de la messe du matin 1ère lettre de St Paul apôtre, chapitre 13)

C’est à la lumière du couple que forment Zélie et Louis que l’on voit par contraste ce que Thérèse a de singulier. « Qu’est-ce qu’une petite carmélite, ignorante de tout, […] dont l’œuvre tient en quelques poésies pieuses et souvenirs édifiants, peut avoir à faire à côté de géants comme Augustin ou Jean de la Croix ? » s’étonne le père Maurice Bellet, prêtre, philosophe, et théologien. Mais il rajoute : « L’illusion de Thérèse, c’est l’amour […] ». « Thérèse, on dirait du sirop, et c’est du sang » dit Gilbert Cesbron.

Le soir nous voilà donc à Sées. Le bâtiment est immense, austère, chambres datées, douches et WC collectifs au bout du couloir. Dans l’escalier blafard qui double l’ascenseur, une belle photo de montagne : « l’arrête de Tour Ronde sous le soleil, devant l’Aiguille du Midi ».  Cela doit bien faire 50 ans qu’elle est là, cette étonnante photo. Moi aussi je voulais gravir les montagnes … Thérèse aussi se voyait au Ciel, et elle est morte au Carmel, étouffée par la tuberculose, à seulement 24 ans, le 30 septembre 1897. « La jeunesse voit la flamme » me dit Victor Hugo. Mais mes années 1970 nourrissaient bien d’autres rêves que de se consumer dans le cloitre d’un couvent. Cette « petite fleur blanche » qui « demande à Jésus de l’attirer dans les flammes de son amour, de l’unir si étroitement à Lui », ça paraissait si sentimental, si désuet. J’ai changé avec l’âge. « La vieillesse voit la lumière » me dit Victor Hugo.

Au petit matin, nous reprenons la route pour Lisieux à une heure de là. Office des laudes dans le car. A travers la vitre défilent la brume grise sur les collines, les vaches dans les prés trempés, les maisons de tuiles et d’ardoises mouillées, et les publicités hors d’âge à l’entrée des villages. Arrivée à Lisieux, ville sans charme durement bombardée en juin 1944. Le car s’arrête devant la Basilique, immense bâtisse néo-byzantine érigée en 1925 en l’honneur de la sainte « la plus aimée du monde ». Flânerie à la boutique, petits achats, avant de rejoindre la crypte en sous-sol pour la messe du dimanche. Apocalypse de Daniel, Apocalypse de Saint-Jean et Jugement Dernier de Mathieu inaugurent l’homélie invitant à la transformation pastorale de notre paroisse …  Nous sortons sous la pluie pour grimper le grand escalier garni de chrysanthèmes qui mène à la nef. Sous l’immense coupole peuplée d’échos, une petite dame au sourire taquin nous raconte le décor grandiose de mosaïques art nouveau art déco suspendu au-dessus de nos têtes. Nous la retrouverons plus tard, après le pique-nique, devant le Carmel. C’est l’affaire de sa vie, la petite Thérèse ! Elle nous dira être venue de Belgique il y a bien longtemps « comme ça pour voir », elle n’est jamais repartie. « Il faut apprendre les langues ! » insiste-t-elle, avec un léger accent « de la frontière flamande ». Lisieux a en effet quelque chose d’une Tour de Babel, même le français cristallin de Thérèse se doit d’être apprivoisé si l’on ne veut pas s’égarer devant la porte naïvement ouvragée qui donne sur les profondeurs de son âme amoureuse. « La petite Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont à travers toutes les déformations {…] et toutes les roses […], j’ai enfin découvert le visage […] » s’étonne François Mauriac. « Il n’est pas donné à tout le monde de […] pressentir le mystère des êtres […] » ajoute le recteur de la Basilique.

Après nous être recueillis en silence devant la chasse de Sainte Thérèse, nous nous retrouvons le temps d’une visite aux Buissonnets, l’élégante maison bourgeoise avec jardin que Louis Martin a loué sur une butte ensoleillée. Les 5 filles vont y grandir pieusement avant d’entrer l’une après l’autre dans les ordres. Chaque départ, surtout celui de Pauline pour le Carmel en 1882, est un déchirement, un « sacrifice » dit Thérèse. Elle-même devra patienter encore six longues années pour enfin la rejoindre « pour Jésus seul ». La vie au Carmel est rude pour une jeune fille de 15 ans, « mes premiers pas ont rencontré plus d’épines que de roses » dit-elle. Mais la nuit tombe, deux heures d’autoroute nous attendent. Nous pèlerins, de tout âge et tout horizon …

Thérèse serait-elle de ces vierges sages ou folles qui attendent la venue de l’Epoux ? « Elle a eu un culot absolu en voulant tout [Jésus], tout de suite » dit Yann Moix. Elle voulait entrer au Carmel pour Le rejoindre plus vite, elle comprend que, malgré tous ses efforts et les souffrances endurées, elle ne pourra jamais Le mériter. Alors confiante elle tend les mains vers le ciel et Jésus la prend dans ses bras. « Le Christ est mon Amour, il est toute ma vie » dit-elle. « C’est toi pour moi, moi pour toi dans la vie » chante en écho Edith Piaf, qui la vénérait. Désormais en Jésus, elle nous attire dans ses bras « vous verrez, ce sera comme une pluie de roses ». Vers elle s’élèvent les multitudes reconnaissantes depuis les tranchées de la vie. « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ».

Merci à Inès, Jean-Charles, Stéphanie, Jean-Eudes et Martin. Merci à Eric. Merci à tous.

Témoignage de Gwénaëlle, Jean-Charles, Hosanne, Guilhemine, Domitille & Marie-Anaïs

Lorsque le Père Jean-Eudes a proposé de faire un pèlerinage à Alençon et Lisieux, notre famille a immédiatement été emballée à l’idée d’y participer. Pourquoi ces lieux ? Quels trésors ces petites bourgades de Normandie abritent-elles ?
La petite Thérèse Martin est la fille de Louis et Zélie Martin et y a vécu dans sa famille puis au carmel. Thérèse, bien que décédée à 24 ans (1897), est devenue Sainte et Docteur de l’Eglise grâce au rayonnement de ses écrits autobiographiques et poétiques dévoilant « sa petite voie » de communion avec le Seigneur. En fait, c’était totalement naturel pour nous de vouloir lui rendre à nouveau hommage car elle nous accompagne maintenant depuis quelques années en nous soutenant dans les moments difficiles, et en intercédant pour nous. De plus, Sainte Thérèse est un modèle d’humilité, d’acceptation de la souffrance, et surtout un modèle d’amour.
L’idée de partir en pèlerinage paroissial est aussi une promesse de pouvoir approfondir nos relations avec des gens de notre communauté que nous ne croisons que d’un bonjour ou d’un signe de tête au sortir de la messe, une promesse de pouvoir créer des liens de fraternité intergénérationnels en vivant des moments simples de convivialité et des moments plus intenses de spiritualité.
Enfin, un pèlerinage nous place hors du temps pendant toute sa durée. Les préoccupations quotidiennes telles que l’organisation des repas, les conduites des enfants, le stress du travail, sont oubliées. En effet, cela
nous permet de remettre plus facilement Dieu à la place qui lui revient : la première place, la place centrale.
Nous étions donc impatients de pouvoir vivre ce temps en communauté.
Durant le pèlerinage nous avons pu redécouvrir le mode de vie de l’époque de la famille Martin, leurs occupations, travail, vie spirituelle, logement, les épreuves qu’ils ont traversées (perte de quatre enfants,
décès de la maman de Thérèse, folie du père), la correspondance de Zélie, la conversion de Thérèse, sa pugnacité de pour entrer au Carmel à 15 ans, …
La visite d’Alençon fut animée par deux religieuses d’origine Sud-Américaine qui ont su rendre particulièrement vivant leurs explications des lieux importants de Thérèse.
Le renouvellement des vœux de notre mariage et la bénédiction de notre famille fut un moment à la fois marquant et touchant car nous l’avons vécu non seulement en famille mais aussi avec l’entourage chaleureux et la prière du groupe.
L’équilibre entre les temps spirituels, les temps de marche et les temps conviviaux (repas, incluant le petit déjeuner, et la veillée) a procuré du dynamique et une véritable profondeur spirituelle à ce week-end.
En somme, durant ces 24 heures, toutes nos attentes ont été comblées. Nous sommes revenus de notre pèlerinage revigorés et ressourcés pour bien terminer l’année avec un attachement encore plus fort pour cette grande famille de saints et par là-même un désir renouvelé de cheminer vers Dieu.

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